dimanche 28 octobre 2012

Samedi 22 octobre 2011

Après la répétition je raccompagne Thomas à la station de métro François Verdier. Sur le chemin, nous tombons sur un groupe de trois lycéens qui semblent connaître mon bassiste. L'un d'eux l'apostrophe : « Eh, Rupan, je trouve plus mon stylo. C'est pas toi qui me l'aurait volé ? » Sur ce, les trois lycéens éclatent de rire et poursuivent leur chemin. Je ne comprends pas trop ce qui vient de se passer, mais visiblement Thomas est très affecté par ces paroles.
« C'était qui ? » 
« Des mecs de mon lycée. » 
« Qu'est-ce qu'ils te voulaient ? » 
« … » 
Thomas pousse un long soupir, et se décide à tout me raconter.

Il m'apprend qu'il est le fils d'Anselme Rupan. Le nom me dit vaguement quelque chose, mais je n'arrive pas à me souvenir de qui il s'agit.
« Le Spectre Bordelais... », me souffle-t-il d'une voix étranglée.
Ça me revient ! L'histoire date d'une dizaine d'années et avait été très médiatisée : Un cambrioleur de génie qui sévissait dans la région de Bordeaux et avait fini par être arrêté après avoir tenu la police en échec pendant plusieurs mois. Je me souviens qu'il annonçait toujours à l'avance sa prochaine cible, et qu'il arrivait malgré tout à s'emparer de son butin au nez et à la barbe des forces de l'ordre. Certains de ses cambriolages étaient tellement ingénieux que l'on ignore encore à l'heure actuelle comment il a fait pour pénétrer dans des lieux réputés inviolables sans laisser la moindre trace d'effraction. D'où son surnom de "Spectre", de nombreuses personnes ayant fini par croire qu'il n'était pas humain... Du moins, jusqu'à ce que l'orgueil de ce spécialiste des "mystères en chambre close" le pousse à la faute ! C'est une de ses nombreuses provocations qui a permis à la Police de remonter la piste jusqu'à sa véritable identité, et il croupit désormais en prison.

Thomas me raconte que tout a commencé quand son père a été licencié de son entreprise d'import-export. Il n'en a rien dit à sa famille, et a continué à partir tous les matins pour soit-disant aller au bureau. Mais il savait qu'il ne pourrait pas donner le change bien longtemps, et qu'il lui fallait trouver rapidement de l'argent pour continuer à mener le train de vie auquel sa famille s'était habituée. Il refusait catégoriquement l'idée d'avouer son licenciement, et comme il n'arrivait pas à trouver un nouveau travail, il a fini par commettre son premier cambriolage, un petit vol sans envergure... Mais il y a pris goût, et son intelligence supérieure lui a permis de viser rapidement plus haut, faisant de lui le légendaire "Spectre Bordelais".
Ce n'est que lorsque la Police est venue chercher son père que Thomas et sa mère ont découvert la double vie que menait M. Rupan. Dès lors, leur quotidien est devenu un enfer : Les voisins, les camarades de classe, tout le monde parlait dans leur dos, les regardait de travers, les accusait de tout et n'importe quoi.
Sa mère et lui ont fini par quitter Bordeaux pour refaire leur vie, mais à chaque fois ils ont été rattrapés par leur passé et ont dû déménager à de nombreuses reprises.

Avec le temps, l'affaire du Spectre Bordelais a fini par sombrer dans l'oubli ; cela fait maintenant 2 ans que sa mère et lui vivent à Toulouse sans problème... jusqu'à il y a quelques semaines, quand quelqu'un dans son lycée a découvert son passé sur internet et l'a dévoilé à tout le monde. Et depuis, il est de nouveau la cible de quolibets, accusé de vol à la moindre occasion. 
« Quel bande de petits cons ! Si on les recroise, je leur casse la gueule ! » 
Thomas est surpris par ma réaction, et tente de me calmer en me disant que ça n'arrangera rien et qu'il ne veut pas que j'aie des ennuis par sa faute. Il me remercie néanmoins de vouloir l'aider, et je vois dans ses yeux embués de larmes contenues qu'il est très touché par le fait que j'aie pris sa défense. Je sens que le Lien Social qui nous unit est devenu plus fort.

Nous reprenons notre chemin vers la station de métro et, une fois sur place, je lui dis au revoir et rebrousse chemin pour rentrer chez moi.

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